Tonnerre Patrimoine
Hôtels et Maisons
Hôtel Coeurderoy
Au cours du Moyen-Âge, de nouveaux quartiers de Tonnerre se créent au bas du Montbellant, autour des églises ou des couvents. Ce phénomène s’accentue après la destruction de la ville haute ; la plaine de l’Armançon offre des facilités qu’il n’y avait pas sur le plateau, aussi la ville est-elle reconstruite en bord de rivière, autour des quartiers existants, comme ceux du Perron, de Bourbérault, de Vaucorbe, de l’hôpital et de Rougemont. Le tout est enserré entre des hautes murailles percées d’une huitaine de portes (cela a varié en fonction des temps).
Le quartier de Rougemont est l’espace urbain compris entre l’église Notre-Dame, la rue des Prêtres (aujourd’hui rue Pasteur), la porte de Rougemont et la rue des Fontenilles. Il est habité depuis le Moyen Age par des notables et des familles bourgeoises, ce qui explique cette succession de bâtisses imposantes et d’hôtels particuliers, quoique peu visibles de la rue.
L’emplacement de l’hôtel Coeurderoy semble occupé depuis au moins le 15e siècle. Une certaine famille de Buronfosse, celle-là même qui a généreusement offert le Sépulcre sculpté à l’hôpital, y est soumise à cens et à rente envers l’abbaye Saint-Michel pour une maison sans cour ni terrain, en 1497 et 1501. Au cours des siècles qui suivent, la place est occupée par les familles de La Tour, Roze, Baillot de Courtelon. L’historien tonnerrois Elie Thiré fait remonter la construction du bâtiment Coeurderoy à 1610.
La famille Coeurderoy
A la fin du 18e siècle, la famille Roze occupe l’hôtel rue de Rougemont. Le maître de famille, Simon Charles, procureur du roi, est marié à Claire Thimotée Déon. Ensemble, ils ont deux enfants, Marin et Germaine. Pendant la Révolution, la famille héberge un jeune cavalier au 17e Régiment : Jean-François Baillot de Courtelon, issu lui-aussi de la noblesse tonnerroise, qui épouse quelques mois plus tard la fille de la famille, Germaine. De cette union nait Marie Césarine en 1802. Les Roze et le ménage Baillot de Courtelon cohabitent dans l’hôtel de le rue de Rougemont.
Les années passent. Marie-Césarine grandit dans la maison familiale et épouse en 1822 un jeune médecin travaillant à l’hôpital : Charles Coeurderoy, originaire de Côte-d’Or. De cette union nait Ernest, en 1825. Alors que Charles acquière de l’autorité dans son métier en devenant chirurgien en chef de l’hôpital tonnerrois, son fils se dirige aussi vers une carrière médicale. Il part faire ses études de médecine à Paris lorsque les événements de 1848 changent radicalement le cours de sa vie. Connu pour ses idées révolutionnaires socialistes, sans doute héritées de son père et de son grand-père paternel, il est condamné par contumace à la déportation en 1849. Commence alors pour Ernest une vie d’exil et de pérégrinations. Ses séjours en Espagne, en Italie, en Suisse, en Belgique et en Grande-Bretagne, l’inspire et il écrit un certain nombre de traités. Mais Ernest est un solitaire à qui l’exil pèse. Il se suicide à Genève en 1862.
Ainsi Marie Césarine Baillot perdit-elle son fils unique, après plus de dix ans d’exil et de souffrances. Car la vie à Tonnerre ne fut pas simple pour la mère d’un « terroriste ». Son mari, qui avait insufflé des idées de liberté dans l’esprit de leur fils, eut nombre de déboires avec les autorités. Il fut à la tête du parti révolutionnaire à Tonnerre, mais échoua dans sa tentative de renversement de la municipalité. Il fut arrêté en 1851 à son retour de Suisse, après avoir visité Ernest, puis fit un mois de prison pour avoir insulté un fonctionnaire public. Démis de ses fonctions par l’administration hospitalière, condamné à l’internement à Montpellier en 1851, il demande finalement à être enfermé dans l’arrondissement de Tonnerre pour être proche de son épouse. Il meurt en 1866, banni, et est enterré dans la plus grande discrétion.
Marie Baillot lui survit une vingtaine d’années et se montre particulièrement généreuse à sa mort envers la ville et l’hôpital de Tonnerre. Certains d’iront que c’était pour faire pardonner tous les excès de son mari et de son fils. Elle demande que sa maison, rue de Rougemont, qu’elle offre en legs à la ville, serve de Musée-Bibliothèque afin que cette nouvelle institution éduque la jeunesse tonnerroise dans le respect des idées républicaines.
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