Tonnerre Patrimoine
Etablissements de Charité
Le site de l'Hôtel-Dieu
L'Hôtel-Dieu
Marguerite de Bourgogne
Petite-fille du Duc de Bourgogne, Marguerite de Bourgogne nait vers 1250. C’est la deuxième fille de Mahaut de Bourbon, comtesse d’Auxerre, Nevers et Tonnerre, et d’Eudes de Bourgogne, fils ainé du duc de Bourgogne, Hugues IV.
La fratrie Bourgogne-Bourbon compte quatre filles : Yolande, née vers 1249, Marguerite, Alix et Jeanne (morte jeune). Dès leur plus jeune âge, les sœurs sont envoyées à l’abbaye de Fontevraud où elles reçoivent une éducation d’élite réservée aux princesses de sang royal.
En 1262, suite au décès de son épouse, Eudes s’occupe de la gestion du comté de Tonnerre jusqu’à son départ en croisade en 1265. Il meurt un an plus tard devant Saint-Jean d’Acre.
Généalogie de Marguerite de Bourgogne
Reine de Naples
A l’âge de 18 ans, Marguerite, que l’on décrit comme une jeune femme intelligente et pieuse, épouse Charles d’Anjou, frère de saint Louis, tout fraichement couronné roi de Naples et de Sicile. Leur mariage est célébré à Trani, en Italie du sud. Cette vie italienne s’achève brutalement en janvier 1285, lorsque Charles meurt, dans un contexte politique et militaire hostile aux Angevins. Jugeant que sa présence n’est plus nécessaire en Italie, Marguerite regagne son pays natal et ses terres bourguignonnes.
Vitraux de l’Hôtel-Dieu (détail) : portrait de Charles d’Anjou
Comtesse de Tonnerre
En 1266, suite au décès d’Eudes de Bourgogne, le comté de Nevers-Auxerre et Tonnerre est partagé entre les sœurs de Bourgogne : Yolande se voit attribuer celui de de Nevers, Auxerre revenant à Alix et Tonnerre à Marguerite. Mais l’aînée ne voit pas les choses ainsi, et revendique, du fait de sa primogéniture, les trois comtés, arguant qu’ils n’ont jamais été séparés jusque-là. S’ensuit une longue période de procès qui ne lui donneront pas gain de cause. En 1273, les trois comtés sont définitivement séparés et Marguerite de Bourgogne devient officiellement comtesse de Tonnerre.
Mais il faut encore attendre 1285 pour qu’elle prenne possession de ses terres tonnerroises quand, de retour d’Italie, elle se fixe définitivement dans la capitale du comté.
N’ayant pas eu d’enfant avec Charles, Marguerite de Bourgogne prend le sage parti de procéder au partage de ses biens de son vivant. Les affaires du comté n’auront ainsi pas à pâtir d’éventuelles luttes de successions. En 1292, dans des lettres de convenance, elle cède à un de ses neveux ses terres du Perche, à un autre des possessions dans le Berry et à un dernier, enfin, le comté de Tonnerre. Evidemment, elle tend à conserver un droit de regard voire d’usufruit sur les biens concédés mais surtout, elle prend soin de mettre de côté quelques terres et droits destinés à une future institution charitable.
La construction de l'hôpital de Tonnerre
1293, est l’année qui marque la fondation de l’hôpital de Tonnerre. Dans une charte, validée par le pape Boniface VIII et contenant pas moins de soixante-six articles, Marguerite de Bourgogne jette les bases foncière, juridique, réglementaire de la future institution.
Cet hôpital sera construit sur vase zone marécageuse dite des Fontenilles, au bord du bief de l’Armançon, le long de la rue de la Tonnellerie. Du fait de cette position mi-urbaine, mi-rurale, la comtesse demande à clore l’enclos hospitalier de hauts murs crénelés, tant pour protéger le site que pour en affirmer l’autorité envers l’extérieur. Au sein de cet espace, seront construit une maison-Dieu, un cimetière, des bâtiments conventuels et la maison de maître.
Pour faire fonctionner cet hôpital en parfaite autonomie, il convient de le doter à la fois en argent et en nature. C’est ainsi que Marguerite de Bourgogne cède sur ses biens du comté, des muids de bon vin, des droits, des près, des rentes, des clos de vignes, des abonnements, des villages, terres, étang et bois.
Plan de l’enclos de l’hôpital de Tonnerre au début du 14e siècle
1 L’hôtel-Dieu à l’intérieur duquel se trouvent la Salle des Malades et l’église
2 Maison de Marguerite de Bourgogne, appelé « Château» à partir du 15e siècle, suite à la destruction de la Ville Haute et du château féodal. C’est dans cet édifice que se trouvent les appartements de la fondatrice et sans doute celui du Maître de l’hôpital
3 « Grenier à la Reine » : bâtiment qui hébergeait au rez-de-chaussée, les écuries et des pièces destinées au service de l’institution et à l’étage les récoltes de grains provenant des fermes de l’hôpital
4 Grand cimetière, dans lequel on inhumait les pauvres de Tonnerre, mort à l’hôpital
5 Petit cimetière, dit aussi cimetière Bricard, où étaient enterrés les personnes mortes à l’hôpital et étrangères à Tonnerre
6 Bâtiment dans lequel se trouvaient les dortoirs des religieux et des pièces de service
Princesse charitable
Le noble au Moyen-âge se reconnait comme faisant partie d’une caste privilégiée, riche et puissante. Cependant, surtout pour brider les appétits politiques, la Piété entre dans les affaires et tente de dessiner un nouvel idéal, celui du noble vertueux. Marguerite de Bourgogne, tout au long de son existence, tente d’approcher au plus près ce modèle de vertu.
Elle l’explique ainsi dans la charte de fondation de l’Hôtel Dieu de Tonnerre :
«Soyez miséricordieux (…) ainsi que votre Père est miséricordieux. Considérant aussi la miséricorde que notre Père nous a faites, en (…) largesse de biens temporels afin que nous ne méritions être jugée ingrate… ».
Craignant de compromettre sa place au Paradis, le noble a le devoir de consacrer une partie de sa fortune pour aider les autres et faire le bien. Marguerite cite l’exemple d’Elisabeth de Hongrie, reine allemande, qui, après avoir été répudiée par sa belle-famille, consacra sa vie aux pauvres et fonda un hôpital dans sa ville de Marbourg.
A l’image de cette princesse charitable, Marguerite de Bourgogne décide de créer un hôpital à Tonnerre et s’investit personnellement dans ce projet. Elle se rend chaque jour dans la Grande Salle pour visiter les pauvres et contrôler le bon fonctionnement de son institution. Mais son rôle ne s’arrête pas là. Au même titre que les religieuses, elle prend soin des malades, les baigne, les panse, les nourrit et occupe son temps libre en faisant des travaux de coutures.
En septembre 1308, Marguerite de Bourgogne s’éteint. Conformément à ses volontés, elle est enterrée cœur et corps dans l’église de l’hôpital qu’elle a fondée. Aussi vertueux que soit ce personnage, elle aurait pu tomber dans l’oubli des siècles passés. Mais les Tonnerrois, de tous temps, ont salué sa mémoire et porté Marguerite au rang de bienfaitrice. Pour preuve de cette reconnaissance et ainsi qu’elle le désirait, une messe hommage est régulièrement célébrée dans l’enceinte de l’Hôtel-Dieu.
La salle des malades
La Grande Salle ou Salle des Malades fut, lors de sa construction, une des plus grandes salles médiévales d’Europe, avec ses 90 m de long, ses 18 m de large et ses 18 m du sol à la voûte.
On entrait à l’origine dans l’hôtel-Dieu par un portail situé au couchant, comme dans une église. Sculpté sur le tympan, côté rue, un Christ en majesté accueillait le nécessiteux, alors que côté salle, des visions de l’Enfer et du Jugement Dernier étaient représentées.
Disposition intérieure
De part et d’autre de la salle, le long des murs gouttereaux, se trouvaient les alcôves des malades. S’il n’existe pas de vues, dessins, croquis, ni de descriptions écrites de cette salle, on peut tout de même compter sur les archives de l’institution, et notamment les registres de comptes, pour pallier à ce défaut. On apprend que les lits étaient situés perpendiculairement aux murs, donnant à ces alcôves l’aspect de chambres particulières, avec des séparations en tissus ou en bois. A proximité de la couche, le malade plaçait ses effets personnels dans un meuble qui lui était attribué. Il y avait aussi sur toute la périphérie de la salle, des rangées de bancs fixés aux murs, destinés sans doute aux visiteurs et aux malades non hospitalisés.
Ce n’est que quelques siècles plus tard, avant le 16e, que les lits vont être assemblés de façon plus traditionnelle, en rangées, à l’image des salles de malades de Beaune ou de Seurre.
Au-dessus des alcôves, deux promenoirs de bois, formant les ciels de lits, permettaient d’accéder aux baies et d’assurer une surveillance globale de la salle.
Enfin, au bout de la nef, se trouvait la chapelle : on y accédait après avoir franchi un jubé de pierre et monté quelques marches. L’église était le principal instrument de soin de l’hôpital médiéval. La personne qui rentrait en ces lieux, devait son statut de malade à sa condition de pêcheur. Comme l’explique Marguerite de Bourgogne dans la charte de fondation : « quiconque meurt en pêché mortel ira au feu éternel et celui qui sera sans pêché en la gloire éternelle avec les anges ». Le malade devait donc faire un travail de confession et de rédemption pour espérer guérir.
Les conditions de confort étaient minimalistes. Les malades portaient une chemise fournie par l’hôpital, et, les jours de grands froids, bénéficiaient éventuellement de chaussettes, de bonnet et de surplis. Dans la salle, point de cheminée. La chaleur relative qui y régnait était due aux petits braseros et aux bassinoires d’eau bouillante.
Pastel de Nivelt, d'après une illustration du Dictionnaire d'architecture de Viollet le Duc
La Salle des Malades au cours des siècles
Cette salle, bâtie à l’origine sur un sol marécageux, était constamment humide. L’administration tente d’y pallier au 15e siècle en élevant le niveau du sol, mais la démarche ne suffit pas, et la salle est définitivement abandonnée en 1650. Les malades sont installés dans un nouvel hôpital, situés le long de la rue de l’hôpital, et séparés par sexe ou en fonction de la nature de leur maladie (risque de contagion).
A la fin du 17e siècle, la salle délaissée devient cimetière. Pour ce faire, on élève une nouvelle fois le sol, ce qui explique la différence de niveau avec certaines portes du 13e siècle. Les inhumations s’y déroulent jusqu’à la fin du 18e siècle, jusqu’à ce qu’on interdise les enterrements dans les églises et les lieux fermés par soucis d’hygiène. A partir de cette période, la Grande Salle est abandonnée. Elle sert d’entrepôt, de garage, de remise…
Aux 19e et 20e siècles, deux projets menacent l’Hôtel-Dieu.
Le premier, en 1842, initié par l’hôpital, consiste en l’installation de pressoir et vinée qui seraient séparés de l’église par un immense mur de refend. Le ministre des Beaux-Arts fait annuler les travaux et classe l’Hôtel-Dieu Monument Historique.
Le second, 60 ans plus tard, propose de faire de cette vaste salle un marché couvert. L’affaire émeut le Tonnerrois, une pétition est créée et est même présentée au ministre des Beaux-Arts. Ce dernier se rend à Tonnerre, invalide le projet, et offre une compensation à l’hôpital qui souhaitait financer son pavillon de chirurgie avec la location de son hôtel-Dieu.
Il faut attendre le début des années 1990 pour que la Grande Salle soit pleinement dédiée aux visites et restaurée pour l’occasion.
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